Les Chevaliers bretons de Saint-Michel

Avertissement (Gaston de Carné, 1884)

Les notices que nous publions aujourd’hui, pour les offrir aux familles bretonnes, font partie d’un vaste recueil manuscrit sur l’Ordre de Saint-Michel, qui appartient à la Bibliothèque Nationale, et qui est signé du comte d’Hozier, chambellan de l’Électeur Palatin.

Cette énonciation un peu vague rendait l’identité de l’auteur assez difficile à établir. Quelques personnes ayant affirmé que ce travail devait être attribué au dernier Juge d’armes de France, Antoine-Marie d’Hozier de Serigny, nous l’avons cru nous-même, et nous l’avons écrit. Cette opinion était erronée. L’auteur de la volumineuse compilation, dont nous avons extrait les 471 notices qui suivent, est Jean-François-Louis d’Hozier, frère du précédent, et quatrième fils de Louis-Pierre d’Hozier, juge d’armes de France. Il commença ses recherches sur l’Ordre de Saint-Michel en 1783, et ne les termina que dix ans après, en 1793. Le moment n’était pas favorable, pour mettre en lumière le fruit de ses labeurs ; et Jean-François d’Hozier attendit de meilleurs jours. Quand le premier consul fut devenu Empereur, d’Hozier fit une tentative pour attirer sur son manuscrit l’attention du nouveau maître de la France. Mais le nom du vieux gentilhomme n’était pas en faveur auprès de Napoléon, parce que Charles d’Hozier, son neveu, s’était trouvé mêlé à la conspiration de Cadoudal ; et le recueil des Chevaliers de Saint-Michel resta entre les mains de son auteur. Charles d’Hozier en hérita, à la mort de son oncle ; et lorsqu’il mourut lui-même, en 1851, la Bibliothèque Nationale acquit les onze volumes de cette importante collection.

Les notices qui la composent sont rédigées en un style lourd et peu correct. Leur forme, nécessairement toujours semblable, en fait une lecture aride et rebutante. Mais Jean-François d’Hozier avait surtout pour but de laisser aux chercheurs de l’avenir une source de renseignements authentiques sur une institution célèbre ; et, sous ce rapport, il a obtenu la fin qu’il désirait atteindre. A l’exemple de ceux qui l’avaient précédé, dans cette longue suite de généalogistes dont il était un des derniers représentants, il n’a travaillé que sur titres. Nous ne dissimulons pas notre infériorité en cette matière. Dans les recherches qui nous sont personnelles et qui nous ont permis de mettre au jour 150 noms nouveaux de chevaliers de Saint-MichelNous n’avons pas la prétention de donner une nomenclature complète des Chevaliers bretons de Saint-Michel. Nous sommes persuadé que des explorations dans les différents dépôts d’archives de la Province en découvriraient un très grand nombre, dont l’existence ne nous a pas été connue., nous n’avons pu que rarement, par la force des choses, remonter aux originaux. Mais les sources auxquelles nous avons puisé ne sont pas sans valeur.

Nous avons beaucoup emprunté au Nobiliaire de Bretagne de M. de Courcy. Si nous ne nous trompons, le savant auteur doit la plupart de ses informations sur les chevaliers de Saint-Michel aux Généalogies manuscrites qui ont été composées sur les arrêts de la Réformation de 1668-1671. La bibliothèque de l’Arsenal, à Paris, possède, en 4 volumes in-folio, une assez bonne copie de l’un de ces recueils ; et nous en avons fait grand usage. Les faits qui y sont avancés participent, en quelque manière, de l’autorité des arrêts rendus par les Chambres de la Réformation ; de plus, il nous a été donné souvent d’en contrôler l’exactitude par le témoignage de d’Hozier lui-même appuyé sur les meilleures preuves. Les Registres du Greffe des Etats de Bretagne et les Quartiers de noblesse des Chevaliers de Malte du Grand-Prieuré d’Aquitaine, dont nous avons eu plusieurs copies entre les mains, ne sont pas non plus des sources à dédaigner. Les actes de l’état civil ne jouissent pas de la même force probante. Une jurisprudence deux fois séculaire, en les réservant pour la preuve de filiation, déclare qu’ils ne peuvent jamais être invoqués comme justificatifs de qualité. Nous n’avons pas cru cependant devoir les négliger ; et nous avons pensé que la qualification de chevalier de l’Ordre du roi, dans un acte de l’état civil, établit au moins une présomption en faveur de la personne désignée. Enfin, pour le même motif, nous n’avons pas absolument écarté les rares indications que nous avons pu recueillir de certains mémoires généalogiques, au département des Mss. de la Bibliothèque Nationale.

Nous avons trouvé un concours empressé dans la complaisance d’un grand nombre de familles bretonnes, qui ont bien voulu faciliter la rédaction de nos notes, en nous permettant de contrôler les données que nous possédions par les informations plus sûres de leurs archives. Nous leur exprimons ici notre vive gratitude. Nous avons été encouragé par leur bienveillance au début de notre travail ; nous espérons maintenant qu’elles feront bon accueil à l’œuvre terminée. Ce n’est pas un vain titre d’orgueil que nous avons entrepris de ressusciter à leurs yeux. Le sixième article des statuts faisait un devoir aux chevaliers de suivre le roi à la guerre. A peu d’exceptions près, tous ceux qui ont porté le collier de Saint-Michel ont également porté l’épée. Mieux que cela, Henri II leur rendait ce témoignage que « la plupart [d’entre eux] prenaient mort pour la deffence et protection du Roy et du Royaulme. » On élève des monuments au génie des batailles ; mais ceux qui composent sa gloire avec leur courage et leur sang, tomberont-ils dans l’oubli ? En remettant à la lumière les noms des gentilshommes bretons qui ont été chevaliers de Saint-Michel, nous avons voulu rechercher la place de notre Bretagne aimée dans les glorieuses phalanges des soldats généreux qui, de leurs blessures et de leur mort, ont fait nos victoires et la France.