Extrait
Chevaliers de Saint-Michel
Roland Le Gualès, seigneur de Mezobran, lieutenant des maréchaux de France dans le diocèse de Tréguier, pourvu de cette charge [par commission] le 24 may 1668, avoit été nommé chevalier de l’ordre de Saint-Michel le 25 may 1646, et fut reçu le 16 juin suivant par le baron de Pontchâteau, chevalier des ordres du roy [(titres de cette famille). Il étoit fils de Guy Le Gualès, seigneur de Mézobran, et de Julienne de Rosmard. Ses armes de gueules au croissant d’argent accompagné de 6 coquilles de même posées 3 en chef et 3 en pointe].
Roland Le Gualès épousa en septembre 1644 Jacqueline d’Acigné, fille de Jean, baron de la Touche, et de Marguerite Fleuriot, dame de Carnavalet. En 1672, il rendit avec son beau-frère, M. d’Acigné de Carnavalet, comme lui lieutenant des maréchaux de France en l’évêché de Tréguier, un très curieux jugement. Deux gentilshommes, Yves de Perrien de Kerguezec (prononcez Kervoëzec) et Jean-Baptiste Le Lay de Kerham, recherchaient la même demoiselle en mariage, Mademoiselle Cillart du Goasven. Le différend porté devant Roland Le Gualès et son beau-frère d’Acigné fut terminé par la sentence suivante, dont nous devons communication à l’obligeance de M. D. Tempier, archiviste des Côtes du-Nord, qui a bien voulu nous offrir le secours de très précieuses indications sur plusieurs points de notre travail, et auquel nous sommes heureux de témoigner ici notre vive gratitude.
« Nous sieurs de Carnavallet et de Mesobran, commis et establis de nos seigneurs les mareschaux de France, en conformité de l’édict et déclaration de Sa Majesté du septiesme septembre mil six cents cinquante et un pour juger et paciffier les différents des gentilshommes de l’evesché de Tréguier, en l’absence de monseigneur le duc de Chaulne, gouverneur de ceste province, et de messieurs les lieutenants généraulx et particulliers, sur l’advis qu’on nous avoit donné de la querelle et différent arrivé entre messieurs de Quervoëzec et de Querham, et s’estants lesdits sieurs rendus en ceste ville, le saiziesme du courant, suivant l’ordre que nous leurs avions envoyé à ceste fin.
Après avoir ouy les parties et leur avoir faict rédiger par escrit leurs dires et déclarations signés d’elles, et avoir aussi aprins des personnes présentes au desmellé qu’elles eurent à la porte de la maison de monsieur de Quervoëzec en la ville de Tréguier, comme les choses s’estoient passées. Avons arresté en ce chef, que le sieur de Querham dira au sieur de Quervoëzec qu’il est très regrettant d’avoir en ce rencontre rien dit ny faict qui l’aye peu fascher et luy en demande excuze.
Et pour ce qui regarde la concurence de leurs recherches pour Mademoiselle du Goasven, comme ils demeurent touts deux aussi bien que la maistresse en une mesme ville, pour évitter que dans la poursuitte de leur commun dessein, il n’arive aucune brouillerye entreux, soit par rencontre ou autrement, nous les avons reiglés de la mannière qui suilt : Que du vingtiesme de ce mois jusques au neuffiesme de febvrier prochain, ils ne pouront faire visite à la maistresse que de trois jours en trois jours alternativement, sçavoir le sieur de Quervoëzec comme premier déclaré le 21, le 22 et 23, et le sieur de Querham le 24, 25 et le 26, et qu’après les trois jours escoullés, l’un sera obligé de céder à l’autre et de se retirer à la campagne et ainsi successivement, l’un après l’autre, jusques au neuffiesme de febvrier comme dict est, lequel jour escheu, celluy en faveur duquel la mère et la fille feront leur déclaration continuera sa recherche, et celluy qui n’aura pas leur aprobation en demeurera tout à fait exclus ; et s’il arrive qu’ils se rencontrent touts deux en mesme compagnye, ils se sallueront de chaque part et évitteront de tomber en aucune parolle picquante, vivants l’un avecque l’autre civillement et dans la bien scéance requise entre personnes de leur qualité. Déclarons que celluy des deux qui, derrogeant au présent reiglement, donnera cause à une nouvelle querelle, sera censé estre l’agresseur et comme tel subject aux rigueurs portées par le reiglement des Mareschaux de France.
Et attendu néantmoins que le sieur de Querham s’est depuis peu de temps déclaré à la dicte damoiselle du Goasven, et qu’en ce faisant il a aucunement rompu les mesures prinses par le sieur de Quervoëzec, et diminué les espérances qu’il avoit jusques alors de réussir en sa recherche qu’il continue depuis les deux ans, Nous avons aussi arresté qu’en cas que le dict sieur de Querham espouze mademoiselle du Goasven, il payera audict sieur de Quervoëzec en forme de desdommagement huict jours après les nopces la somme de deux mille cinq cents livres, au payement de laquelle somme il sera contrainct par toutes les voyes prescriptes par les édicts de Sa Majesté et règlement de nos seigneurs les Mareschaux de France.
Faict soubs nos signes, à Guingamp, le dix neufiesme jour de janvier mil six cents soixante et douze.
Carnavalet d’Acigné, Mesobran Le Gualès, Pierre Hamon notaire royal adjoint. »
(Archives des Côtes-du-Nord, série B, article 1250).
Ce fut Jean-Baptiste Le Lay de Kerham qui obtint la main de madeloiselle Cillart du Goasven. Cette dernière s’appelait Anne-Marie ; et elle était fille de N. Cillart, sieur du Goasven, et de Radegonde de Tuomelin, de la maison du Parc.